Encore du tango, tant d’autres en font déjà, vont-ils apporter quelque-chose de plus, me demandais-je avant le concert. Les réponses sont vite venues.
La formation équilibrée des quatre cordes et de l’accordéon peut atteindre la puissance de l’orchestre et offre une vaste palette de couleurs subtiles. Bandonéon quand il le faut, mais aussi orgue, flûte, basson, violon… l’accordéon de Pascal fait chatoyer ses partenaires.
Tant les arrangements que les compositions (Ignacio Anido, Fernando Fiszbein, Tomas Bordalejo, Vincent Pasquier, Christophe Julien) sont d’une qualité remarquable. Leur élaboration, leur subtilité et leur originalité sont dignes du meilleur répertoire classique, avec une mention spéciale pour la Valentino Suite de Christophe Julien.
Au fil des pièces, par-dessus la récurrence des rythmes et des figures du tango, cette qualité d’écriture s’impose. Comme dans une chaconne, le tango devient un socle inflexible sur lequel se déploient des inventions et des raffinements innombrables : contrechants, effets de timbres ou de percussion, ornements et traits virtuoses, circulation des motifs… Ce festin d’événements sonores au sein d’un langage très codé, et sur fond de vitalité rythmique, m’a fait penser à Haydn – y compris pour sa dimension spéculative.
Sans doute le jeu des musiciens a contribué à cette pensée : comme la musique de Ravel, le tango invite à communiquer l’émotion par l’élégance, la retenue, la précision… En taillant des angles aigus et nets dans la matière sonore, Pascal Contet et le Travelling Quartet révèlent sa richesse. Un superbe concert classique, en somme.
Bruno Ory-Lavollée, Président du Festival des Forêts (Compiègne)