Léger au front – Article de Télérama

Synopsis

A travers les lettres qu’il adressa à son ami Poughon, regard sur la Première Guerre mondiale, telle que la vécut le peintre Fernand Léger, alors brancardier.

Télérama

La critique par Eléonore Colin

« Mon cher vieux, la guerre actuelle est devenue une guerre vache, dure. Une guerre de défensive, de tranchées, d’attaques et de contre-attaques pour gagner péniblement trente mètres », écrit Fernand Léger à son ami Louis Poughon en octobre 1914. A 33 ans, ce pionnier du cubisme vient d’être mobilisé comme sapeur réserviste, puis brancardier. Jusqu’en 1917, il fera l’expérience terrifiante du front ardennais : « Je crois que j’aurai toujours le goût âcre et fade du sang tiède. J’en étais plein. » Chaque jour, la pluie, la boue, la peur au ventre, l’ennui, le désespoir, l’agonie et la mort assombrissent davantage son cauchemar éveillé. Léger entreprend alors d’immortaliser ses compagnons d’infortune sur du papier d’emballage avec un procédé graphique et une abstraction proches de sa période « Contrastes de formes » (dont Soldats jouant aux cartes).
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Une lecture vibrante de sa correspondance de guerre, mise en scène en 2008 par l’acteur Jacques Gamblin avec le sculpteur Patrice Alexandre et le compositeur David Chaillou, illustre au détour le désarroi croissant de Fernand Léger. Durant trois ans, son crayon comme sa plume n’auront cessé de dépeindre l’enfer des tranchées avec un réalisme crépusculaire et un humanisme prodigieux à l’égard de ses âmes damnées.